Rétrospective : L'exposition Mathieu PERNOT

 

Retour sur l’exposition qui a retracé le travail photographique de Mathieu Pernot 

L’Atelier, Nantes 



Si aujourd’hui l’épidémie nous contraint de nous éloigner physiquement des œuvres d’art, elle ne nous en retire pas les souvenirs vécus. Voici que je vous propose une rétrospective d’une exposition qui m'eût marquée. C’était en février 2020. Exposition dédiée au photographe Mathieu Pernot. 


C’est une ambiance quelque peu particulière qui nous saisit dans la salle. Les premières œuvres que l’on perçoit appellent notre ouïe. Les Hurleurs, première série présente des photographies dévoilant des individus, criant. Cela nous interpelle. La force des images nous saisit. Des cris presque palpables, mais dont nous entendons le silence. 


L’exposition nous amène à nous questionner sur le peuple de la périphérie. Celles et ceux que l’on entend pas, que l’on ne voit point. Celles et ceux qui se morfondent, sans aucune indifférence, dans la masse. Le photographe questionne aussi les différents dispositifs présents dans le bâti, qui si l’on s’y penche de plus près, vise à affirmer le sentiment d’absence de ces habitants. 


Extraits de la série Panoptique (2001)


Si l’on regarde la série Panoptique par exemple (2001), nous en comprenons le système. Nous y percevons des prisons, où la démesure nous frappe. Des espaces relativement grands, des murs de béton uniformes. Mais finalement peu d’individus. Les lieux sont presque déserts. Ces dispositifs renforcent le sentiment de solitude, qui vient se contredire avec le système du panoptique. Voir sans être vu ? C’est tel que le photographe nous présente ces lieux : “des machines à voir” le monde, tout en restant dans une forme d’invisibilité, d’ignorance. Existence méconnue. En effet, ces espaces sont dotés de verrières qui amènent une large luminosité sollicitant le regard, mais aussi les envies d’échappées. Contradiction renforcée, car ces lieux renfermés sur eux-mêmes n’offrent aucune échappée possible…


Extrait de Les Migrants (2006)


Ce sentiment d’invisibilité se comprend davantage par une autre série photographique : Les Migrants (2006). Les individus, cachés par de fins draps ou sacs plastiques sont réduits à l’état de forme. Un isolement que l’on peut interpréter de l’extérieur : comme si nous ne souhaitions pas les voir. Mais interprétable aussi de l’intérieur : comme si les migrants ne souhaitaient plus voir le monde. In Fine, les deux se joignent : ils s’isolent dans un monde qui ne veut plus les voir...


Si le monde souhaite rendre le peuple de la périphérie invisible, exprime-t-il également une volonté de faire table-rase de leur histoire ? 


Extrait de Implosions (2001-2006)


La série Implosions (2001-2006) témoigne grandement de cela. En plein débat sur la rénovation urbaine, les destructions massives commencent à prendre place. 

Les photographies de Mathieu Pernot se dévoilent comme une forme de magie. Car finalement, la fumée se situe à l'arrière-plan des immeubles visibles. Une part de résistance interprétable ? En tout cas, le fait de ne pas dévoiler la destruction des immeubles visibles témoigne d’un certain espoir.   


C’est sous l’utopie d’un monde rangé, comme en témoigne l’une de ses autres séries (Le meilleur des mondes, 2006), que les banlieues naissent. L’uniformisation, la modernité, le progrès, le rationnel en sont les maîtres-mots. Mais l’histoire et le bruit des habitants, par leur puissance ne peut être dissoute longtemps. Le dé-rangement survient, inévitablement.

Cette vision fantasmée des lieux est non conforme à la réalité de ces habitants. Par conséquent, le rêve devient chaos…



Si la photographie a un rôle crucial dans la documentation, l’Histoire, le témoignage, elle détient aussi un rôle ultime : une fenêtre du monde. Mathieu Pernot fit le choix de poser son objectif face aux invisibles. In Fine, il lève le voile face à une réalité tant cachée. Il défait les nœuds qui bouchent notre regard. 


En savoir plus sur l'œuvre de Mathieu Pernot  ? 

C’est juste ici :  https://www.mathieupernot.com/index.php 



Post-scriptum : Les photographies présentes dans l’article ont été prises par moi-même, lors de la visite de l'exposition. 


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