Et si l'art pouvait sauver le monde?
Question majeure pour la démarche d’Etantdart, sa réponse paraît pourtant vaine. Le sujet peut même sembler grotesque. Car en effet, de nos jours, si l’on évoque l’art, c’est primo à sa vocation esthétique que l’on songe. Notre image de l’art se dirige aussi vers le prestige : des tableaux dotés d’une technique saisissante, des objets issus de l’Art Nouveau pour les grands amateurs.... L'individu en soi, semble détaché de la notion d’art et l’apprécie d’un œil lointain, et le perçoit simplement comme une acquisition matérielle.
En ce sens, il paraît dérisoire d’attribuer un titre beaucoup trop ambitieux à l’art, qui semble ici, n’avoir aucune fonction sociétale… Mais alors, pourquoi la question se pose?
Entre représentativité du peuple, énonciation d’une Histoire, éducation, l’art regroupe en réalité, grand nombre de problématiques, majeures pour se comprendre soi, et saisir le fondement de la société. Si l’art peut susciter débats, révoltes et engouement, de nos jours, ces discussions ne vont pas de soi pour tous. Si l’on est pas formé à l’art, ou plus généralement, si l’on ne s’y sent pas représenté, ce n’est ni l’envie, ni l’intuition d’aller au musée qui se manifestent. C’est de là que vient ce détachement, et en cela, il est nécessaire de renouer ces liens.
Ici, nous pouvons même mentionner l’architecture, qui passe inaperçue dans nos quotidiens. Or, nous sentons, regardons, traversons cet art qui peut nous faire accéder à une certaine compréhension du monde : l’architecture n’est-elle pas avant tout, le reflet de son époque? Ici, cette notion est juste un exemple, pour rappeler notre proximité avec l’art, que nous nous voilons.
En outre, une oeuvre d’art, c’est une Histoire. Sa réception fait ensuite le choix de la sauvegarder, dans une mémoire, ou pas… Mais, l’importance du récit, dans les œuvres abstraites ou réalistes, dans la littérature ou la sculpture, est déterminante! L’art ne détient-il pas ce pouvoir de capter notre imagination collective, afin d'éventuellement la modifier? Autrement dit, l’art ne possède-il pas cette capacité de cultiver un récit, favorable à un changement mondial?
Alors, à quoi bon l’art : Devons-nous encore nous poser la question?
Tout d’abord, il est nécessaire de mentionner que l’art détient un pouvoir majeur : le dévoilement. Cela semble contradictoire. L’art, souvent relié à l’abstraction, ne semble pas dévoiler, mais plutôt voiler. L’art serait totale illusion, danger dont il faut se méfier, c’est Platon qui le dit…
Et pourtant, les artistes sont bien plus que de simples observateurs. Ils soutiennent une démarche, une révolte parfois, qui a toujours un lien étroit avec la société, et ce, consciemment ou pas. Une oeuvre d’art, une réflexion d’artiste est toujours le miroir du monde dans lequel il vit, simplement parce que l’oeuvre est toujours inscrite dans un contexte sociopolitique et économique.
Pour preuve, l’art va souvent être sujet à la censure, simplement parce que l’art peut “trop dire”, sur son monde. Un exemple marquant récent va être le scénario de Kery James pour le film Banlieusards, qui se voit refusé de diffusion dans les cinémas. C’est un cas parmi tant d’autres… L’art exprime visiblement trop et dérange, et peut même provoquer une certaine peur chez les détenteurs du pouvoir, lorsqu’ils se trouvent en position d'infériorité face à leurs mensonges dévoilés.
En cela, nous saisissons l’impact que peut avoir l’art, de bouleverser nos images, nos récits, formés au quotidien, nos aprioris que nous n'osons pas affronter. L’art peut dévoiler et remettre la réalité à sa place, dans notre conscience collective.
Alors, bien que l’on ne peut parler de scientificité de l’art, nous pouvons tout de même affirmer que l’art est une clef de compréhension de notre monde. L’art peut s’avérer être un véritable outil de démonstration, d’une réalité cachée. L’art ne fait que dévoiler, ce qui nous est voilé au quotidien.
Mais lorsque l’on pose une image sur cette notion d’art, le prestige et l’esthétique vont dominer. Et cela, parce que le musée, qui pourtant est un lieu d’éducation essentiel, est rendu sacré! Tel un temple, infranchissable pour une grande partie de la population, qui ne se sent pas concernée.
Désacralisons nos musées! C’est la clef pour toucher de plus près, à l’art, comme représentation de soi.
Désacralisons nos musées, parce que ces institutions sont d’une influence majeure, dans notre formation à être et à devenir…
Si le mouvement Parnasse a esquissé une théorie de l’art comme seul marqueur esthétique, ce n’est pourtant pas ce que nous avancerons aujourd’hui. Car une oeuvre d’art est toujours marquée dans son contexte.
“L’Art ne peut-être un monologue.”
Albert Camus
De plus, une oeuvre est toujours porteuse d’un début de dialogue, que nous, regardeurs devons poursuivre. La transmission est essentielle.
Ce pourquoi nous devons vaincre la simple notion d’esthétique qui contribue à distancier le regardeur, de l’oeuvre. Nous devons entrer en contact avec l’oeuvre, comme miroir de soi et de son monde.
Si l’histoire de l’art a largement contribué a favorisé le patriarcat, la blanchité comme idéal esthétique, ou encore la sous représentation des noirs dans l’histoire, il est temps de bousculer ces dictons, et de se réapproprier ce patrimoine, qui est commun à tous.
Par conséquent, si l’art dépasse l’esthétique, si l’art entretient un lien véritable avec la société, si l’art révèle, n’est-il pas en capacité de changer le monde?
Les artistes ont un rôle majeur dans notre société. Concepteurs de l’Histoire, ils sont en capacité de la modifier, et donc de provoquer un imaginaire collectif positif, et surtout juste. L’art doit donc dépasser le stade de la révélation, et le spectateur celui de la contemplation. Tous les ingrédients sont réunis pour installer dialogue, représentation des uns et des autres, et réceptivité, le tout pour faire peuple.
Si aujourd’hui, encore beaucoup de récits aspirent à la violence et la haine, l’art se doit de changer cela : Héroïser des figures encore trop marginales, magnifier la complexité, et rendre par exemple, aimable, l’intelligence.
Puisque l’art est l’ultime reflet de l’humanité, c’est effectif, il détient toutes les clefs, pour changer le monde...
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